Femme cubaine. I

De femmes et de sel, l’émigration au féminin

De femmes et de sel de Gabriela Garcia est l’une des bonnes surprises de la rentrée littéraire 2022. Traduit de l’anglais, ce roman intergénérationnel évoque les destins croisés de deux lignées de femmes latinas, de Cuba dans les années 1860 à la Floride contemporaine, en passant par le Salvador et le Mexique. Des personnages et des parcours de vie touchants permettent d’aborder sous l’angle intime des thèmes comme l’émigration, le poids du passé, les limites de la solidarité féminine ou encore la transmission mère-fille.

Le poids de l’Histoire

Sans être stricto sensu un roman historique, De femmes et de sel alterne en plusieurs lignes du temps, et entre les points de vue de plusieurs femmes. Tout commence avec María Isabel, une ouvrière cubaine qui travaille dans une fabrique de cigares en 1866. En pleine période de rébellion contre les colons espagnols, elle fait l’expérience de la violence mais aussi de l’émancipation par la lecture grâce à la pratique qui consistait à faire la lecture à voix haute aux ouvriers pendant leur journée de travail. C’est ainsi que l’on découvre les lettres de Victor Hugo à Cuba, son soutien à l’indépendance du pays et l’enthousiasme que ses écrits ont suscité dans les classes populaires.

Plusieurs années plus tard, c’est à d’autres formes de violence que sont confrontées sa fille Dolores, puis sa petite fille Carmen et son arrière-petite fille Jeanette. Cette dernière, ayant grandi à Miami, souffre des non-dits de l’histoire familiale et se voit mêlée malgré elle aux déboires de Gloria et de sa petite fille Ana, émigrées salvadoriennes menacées d’expulsion. Violence domestique, violence économique, violence des institutions envers les femmes « étrangères »… la solidarité entre femmes apparaît bien souvent comme le seul échappatoire, mais celle-ci n’est pas sans difficulté et chacune affronte ses propres démons.

Parcours chaotiques, personnages authentiques

Premier roman d’une jeune autrice américaine née d’une mère cubaine et d’un père mexicain, De femmes et de sel tire sa force de son style comme de sa thématique. Bien que j’ai trouvé certains passages un peu étranges (la « bête » de la maison d’en face de chez Carmen), j’ai beaucoup apprécié que l’autrice ne cherche pas à tout expliquer. L’univers mental de ses personnages, riche et complexe, en fait des femmes authentiques, intéressantes pour leur part de lumière comme leur part d’ombre.

Comme dans L’Île aux arbres disparus d’Elif Shafak récemment chroniqué sur le blog, le roman montre bien le poids de l’histoire familiale, voire de l’histoire collective, sur les destins individuels. Je suis un peu restée sur ma faim après avoir terminé le dernier chapitre mais j’ai vraiment beaucoup aimé l’alternance de points de vue entre chacune des héroïnes. De femmes et de sel m’a aussi m’a donné envie d’entamer la lecture d’American Dirt de Jeanine Cummins. Un livre de ma « liste à lire » qui semble très différent mais qui aborde aussi l’émigration latino-américaine aux États-Unis du point de vue des femmes.

L’éditrice présente le livre

Merci à NetGalley et aux éditions Presses de la Cité de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa publication officielle le 18 août 2022.

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