Photographie de l'Hémicycle du Palais Bourbon à Paris

Belle-Amie : un sequel du roman de Maupassant

Couverture du roman "Belle-Amie" d'Harold Cobert (Les Escales, 2019)

Belle-Amie part d’une idée intéressante : imaginer la suite du grand classique de Guy de Maupassant, publié en 1885. Le Bel-Ami d’origine est un exemple typique du roman d’apprentissage du XIXe siècle : un jeune homme sans le sou rêve de grandeurs et, à force de ténacité, s’élève au-dessus de sa condition, notamment grâce à ses relations galantes avec des femmes de la bonne société. Le héros de Maupassant, Georges Duroy (qui devient Du Roy de Cantel) réussit à percer dans le monde de la presse en devenant l’amant de plusieurs femmes, jusqu’à épouser Suzanne Walter, la fille du célèbre directeur du célèbre quotidien La Vie française.

Belle-Amie d’Harold Cobert reprend là où Maupassant s’était arrêté. Georges Duroy est marié, établi dans une vie confortable à la tête de La Vie française. Éternel insatisfait, il aspire à encore plus de pouvoir. Son objectif : se faire élire député à l’Assemblée nationale, pour un jour devenir ministre du gouvernement de la République. Pour y arriver, il est prêt à toutes les compromissions et s’engage sans scrupule dans une vaste opération de corruption visant à obtenir l’aval du Parlement pour renflouer le projet du canal du Nicaragua, en banqueroute. Après avoir percé avec succès le Canal de Suez en Égypte pour relier la Méditerranée à la Mer rouge et faciliter ainsi le commerce maritime, l’entrepreneur Ferdinand de Lesseps se propose en 1879 de percer un canal de même type au Nicaragua afin de relier l’Océan atlantique à l’Océan pacifique. Pour parer aux difficultés financières du projet, plusieurs hommes politiques et journalistes sont soudoyés, donnant lieu au scandale du Panama à la fin des années 1880 : un épisode historique dont s’inspire largement Cobert.

Si le contexte historique de Belle-Amie se révèle très intéressant, l’intrigue et le style ne sont pas vraiment à la hauteur des attentes générées par la quatrième de couverture. Côté positif, Cobert introduit de manière assez réussie des éléments nouveaux par rapport au roman d’origine, insistant notamment sur la montée de l’antisémitisme en France à la fin du XIXe siècle et sur l’essor des mouvements prônant l’émancipation des femmes.

Côté négatif, le style de l’auteur est parfois trop contemporain pour être crédible, notamment dans les dialogues. D’autre part, les personnages féminins manquent de profondeur psychologique, ce qui affaiblit fortement le dénouement. * * * SPOILER *** Si l’idée de faire de Belle-Amie la revanche des femmes « utilisées » puis « abandonnées » par Georges est excellente, le retournement final manque trop de vraisemblance pour offrir au lecteur la jubilation attendue. Le « Bel-Ami » de Cobert est en effet bien plus exécrable que celui de Maupassant, et on peine à ressentir une quelconque empathie à son égard.

Enfin, certaines bonnes idées ne sont pas assez exploitées, comme par exemple la rencontre entre Georges Duroy et Guy de Maupassant. Ce clin d’œil aux relations entre un personnage et son créateur aurait pu donner lieu à une réflexion intéressante sur les aspects autobiographiques du personnage et pourtant le lecteur reste sur sa faim.

Au final, Belle-Amie est un roman historique intéressant mais décevant qui risque de frustrer les inconditionnels de Maupassant.

J’ai aimé…

  • L’inclusion du contexte historique dans l’intrigue, avec les références au scandale des décorations de 1887, au scandale du Panama, à la montée de l’antisémitisme et aux revendications féministes naissantes ;
  • Le personnage de Clément, homme politique charismatique, cynique et pétulant, mais pourtant intègre à sa façon.

J’aurais aimé…

  • Un style d’écriture un peu plus « XIXe siècle ». Sans chercher bien sûr à imiter Maupassant, les dialogues entre personnages auraient pu être un peu plus fidèles au ton et aux expressions de l’époque ;
  • Des personnages féminins à la psychologie plus développée. Les personnages de Salomé et de Suzanne jouent un rôle clé dans l’intrigue et pourtant leur manque de profondeur psychologique nous empêche de nous identifier à elles ;
  • Plus de vraisemblance dans le retournement de situation final. En plus de situations peu vraisemblables comme le travestissement de Salomé, la « revanche des femmes » n’est pas crédible, en partie à cause du manque de profondeur des personnages féminins.

Merci à NetGalley et aux éditions Les Escales de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 7 février 2019.

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