dessin en noir et blanc représentant Grace Marks et James McDermott

Alias Grace, un drame psychologique envoûtant

Margaret Atwood est une auteure contemporaine majeure dont la célébrité va bien au-delà de son Canada natal. Elle a reçu de nombreux prix littéraires pour son œuvre dont le Booker Prize en 2000. Auteure de fictions historiques mais aussi de dystopies comme La Servante Écarlate (The Handmaid’s Tale, 1985), elle est aussi connue pour son féminisme et sa prédilection pour des personnages féminins forts et complexes, en butte à un monde fondamentalement patriarcal.

Très intriguée par son œuvre, j’ai essayé plusieurs fois de me (re-)plonger dans La Femme comestible (The Edible Woman), Le Tueur aveugle (The Blind Assassin), ou La Servante Écarlate, sans jamais avoir l’impression d’avoir véritablement compris le fond de ces récits, peut-être à cause du style, très littéraire (il faut dire que j’ai à chaque fois attaqué la version originale en anglais).

J’attendais donc avec impatience la sortie de la mini-série Alias Grace ce 3 novembre sur Netflix : une opportunité de pénétrer dans l’univers d’Atwood d’une manière nouvelle et, peut-être, de me donner le courage de retenter ses romans.

Alias Grace (1996) est un roman historique situé dans le Canada du milieu du XIXe siècle. Son personnage principal, Grace Marks, est accusée avec un complice du meurtre de son employeur et de sa gouvernante. Condamnée à la prison, elle suscite l’intérêt d’un pasteur méthodiste qui tente d’obtenir son pardon avec l’aide du docteur Jordan, un psychiatre chargé de déterminer si Grace a agi consciemment ou sous l’emprise de la folie.

La série de Netflix, en six épisodes de 45 minutes chacun, est assez fidèle au roman. Atwood a d’ailleurs été impliquée dans l’élaboration de la série (elle fait même une apparition très rapide dans l’un des épisodes). Tout tourne autour du personnage de Grace, cette jeune femme toute en ambiguïtés qui génère à la fois peur, désir, pitié, compassion. Plus que sa culpabilité, c’est sa force qui fascine, sa rage dissimulée suite aux multiples violences (sociales, verbales, physiques…) subies dans son enfance.

L’actrice Sarah Gardon est parfaite dans ce rôle mi-ange mi-démon. Le contexte historique, en toile de fond, évoque la révolte de 1837 menée par William Lyon Mackenzie (1795-1861) contre le gouvernement britannique au Nord du Canada puis la Guerre civile américaine (1861-1865), mais le cœur de l’action se déroule dans des espaces clos : cellules de prison opposant détenues et gardiens, et intérieurs bourgeois dans lesquels couvent des tensions entre maîtres et domestiques.

La scène d’ouverture, comme la scène finale, mettent bien en avant la force et la fragilité du personnage de Grace, une ambigüité d’ailleurs très bien illustrée par cette citation issue d’un poème d’Emily Dickinson placée en prologue du 1er épisode :

Point n’est besoin d’être une chambre – pour être hantée
Point n’est besoin d’être une maison –
Le cerveau a des couloirs – qui surpassent
L’espace matériel
(…) Nous-mêmes derrière nous-mêmes, cachés
Devrions tressaillir plus fort
Un Assassin dissimulé dans notre Appartement
Est infiniment moins horrifiant

Même si le rythme est parfois un peu lent, cette adaptation du roman parvient à créer une tension grandissante jusqu’à l’épisode final. La prestation remarquable de l’actrice principale en fait un drame psychologique subtil et envoûtant.

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